Histoire de l'anneau cyclable de Longchamp - Avant les cyclistes - 1/3
March 7, 2020
Histoire de l'anneau cyclable de Longchamp - 1e partie - Avant les cyclistes
Si vous croisez des cyclistes sportifs dans l'ouest de Paris, il est probable qu’ils aillent ou reviennent de "Longchamp", une route circulaire de presque 4km interdite aux voitures.
Là, des cyclistes tournent en rond, inlassablement, continuellement. Depuis 150 ans.
En voici l'histoire, en 3 parties.
Longchamp intègre le bois de Boulogne
Le bois de Boulogne est le dernier vestige d’une grande forêt de chênes et tient sa survie à son statut de chasse royale. Les nobles partis, l'Etat récupère le domaine et en 1852, Napoléon III le confie à la ville de Paris à la condition qu’il soit aménagé en lieu de promenade pour les Parisiens. Sous la conduite du baron Haussmann et d'Aldolphe Alphand, le changement est radical : les allées élargies, des lacs creusés, des cascades érigées, des cafés-restaurants ouverts.
Surtout, Haussmann décide de mettre à bas le mur d'enceinte du bois pour avoir un espace continu de Paris à la Seine. Lonchamp - le long champ - étroite bande maraichère entre le fleuve et la forêt, est rattaché au bois de Boulogne. Le bois de Boulogne prend alors ses dimensions actuelles. Au début du XXe siècle, il est officiellement rattaché au XVIe arrondissement de Paris et en 1957, est déclaré site classé pour garantir sa préservation.
Longchamp en 1740 et 2019 (Source : IGN ; Google Map)
Longchamp, lieu de pèlerinage pour dévots, fêtards, turfistes et cyclistes
Longchamp est un site bien connu des Parisiens depuis qu’Isabelle de France, sœur de Saint-Louis y fait construire au XIIIe siècle l’abbaye royale de l'Humilité Notre-Dame qui fait l’objet d’une grande dévotion, en particulier au moment de Pâques. Mais au XVIIIe siècle, le pèlerinage pascal est progressivement dévoyé en une promenade festive et mondaine à travers le bois de Boulogne. En 1746, l’archevêque de Paris ferme les portes de l'abbaye au public pendant le pèlerinage mais « le peuple vint à Longchamp comme par le passé et, ne pouvant pénétrer dans l'église abbatiale, se répandit dans les cabarets voisins »[1]. Aller à Longchamp était prétexte à une sortie joyeuse, souvent ostentatoire et parfois scandaleuse.
A la Révolution, l’abbaye est en grande partie démolie et on érige à la place le château de Longchamp comme résidence d’été des préfets de la Seine (Haussmann étant donc le premier locataire). Propriété aujourd’hui de la fondation GoodPlanet, il fait face au virage nord de l’hippodrome et on peut voir dans son parc deux anciennes tourelles de l'abbaye. Mais le vestige le plus emblématique est le moulin qui borde l’anneau cyclable. Rénové en XIXe, il est situé au même emplacement que le moulin abbatial de 1312.
La plaine maraichère de Longchamp en 1737 (Source : gallica.bnf.fr)
Longchamp est une plaine maraichère quand elle est rattachée au bois de Boulogne. Fort de cet espace, Haussmann décide d'y faire construire un hippodrome qui est inauguré en grande pompe en 1857. Le pélerinage vers Longchamp peut reprendre. L'hippodrome remplace l'abbaye. Les dates de jours de courses remplacent le calendrier chrétien. Mais les Parisiens continuent à concourir d'élégance et de fantaisie à Longchamp. La ville s'y déverse et s'y libère.
150 ans plus tard, la route qui fait le tour de l'hippodrome n'a pas bougé. C'est là où les cyclistes tournent en rond.
A suivre...
L'anneau cycliste de Longchamp en 2014 (en violet sur la carte) n'a pas changé par rapport à une autre carte de 1856 (source : Ville de Paris)
[1] PENEL-BEAUFIN, Arthur-Louis, Histoire complète et inédite, religieuse, politique, sociale et descriptive de Boulogne-Billancourt : depuis les origines jusqu'à nos jours, vol. 1, Boulogne-sur-Seine : A. Doizelet, 1905, p 52